Lutter contre l’insécurité sur le marché du travail aux Pays-Bas
Comme de nombreux autres pays de l’OCDE, les Pays-Bas ont connu une augmentation significative des formes d’emploi atypiques au cours des deux dernières décennies. Toutefois, les données montrent que les Pays-Bas font figure d’exception dans le paysage de l’OCDE. Par exemple, aux Pays-Bas, trois millions de personnes sur un total de neuf millions (un sur trois) n’ont pas de contrat de travail stable, contre moins d’un travailleur sur dix en moyenne dans l’OCDE.
Une partie importante de la main-d’œuvre aux Pays-Bas est donc confrontée à une insécurité de l’emploi à haut risque, notamment en période de ralentissement économique et de restructuration des entreprises. C’est surtout le cas des travailleurs peu qualifiés, puisque près d’un sur deux (45%) n’a pas de contrat stable.
Le Conseil social et économique des Pays-Bas (SER) a pour mission de conseiller le gouvernement et le parlement néerlandais en matière de politique sociale et économique. Il s’agit de l’une des principales institutions de dialogue social dans le pays. Elle est composée de représentants des employeurs et des travailleurs ainsi que d’experts indépendants qui travaillent ensemble pour parvenir à des accords sur des questions sociales et économiques essentielles.
En juin 2021, après la tenue des élections générales aux Pays-Bas, le SER a publié une déclaration d’opinion commune qui proposait un plan de politiques sociales et économiques à prendre en considération par le nouveau gouvernement au cours de son mandat (2021-25). Il a souligné que les emplois précaires et la flexibilité du travail jouent un rôle majeur dans l’explication de la montée des inégalités aux Pays-Bas. Afin de créer un marché du travail inclusif et sûr et de faire en sorte que les entreprises puissent s’adapter à l’évolution de la situation économique en fonction des besoins, le SER a avancé une série de propositions politiques détaillées visant à :
1. Restreindre l’utilisation de régimes de travail flexibles. Pour ce faire, le SER a proposé ce qui suit :
- Limiter le nombre de contrats temporaires avec le même employeur à un maximum de trois contrats sur une période maximale de trois ans.
- Supprimer les contrats sur appel, y compris les contrats « zéro heure », et les remplacer par des contrats de base spécifiant au moins un volume trimestriel d’heures à effectuer.
- Réglementer les activités des entreprises de travail intérimaire en réservant l’accès à ce marché particulier aux entreprises officiellement certifiées et en plaidant pour que ces travailleurs soient rémunérés sur une base égale.
2. Rendre les contrats à durée indéterminée plus attrayants pour les employeurs. Le SER a formulé les propositions suivantes :
- Permettre aux employeurs de réduire temporairement le temps de travail de tous les employés en cas de circonstances liées à l’activité de l’entreprise qui, autrement, entraîneraient des licenciements.
- Remboursement des surcoûts liés aux contrats flexibles pour les employeurs qui aident les travailleurs à passer d’un contrat flexible à un contrat à durée indéterminée à la suite d’un licenciement décidé d’un commun accord (plan de transition « emploi à emploi »).
- Faire en sorte que les employeurs restent responsables du paiement des salaires lorsque les travailleurs sont en congé de maladie pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans : 1) en leur permettant de s’assurer contre un tel risque et 2) en permettant à l’employeur de recentrer les efforts de réintégration des travailleurs au cours de la deuxième année plutôt que de trouver un autre employeur.
3. S’attaquer au phénomène des « faux indépendants » et améliorer la situation professionnelle des véritables travailleurs indépendants en
- Réduisant progressivement les incitations fiscales spéciales pour le travail indépendant et les remplaçant par des avantages fiscaux pour les indépendants qui prennent effectivement un risque commercial en investissant leur propre capital.
- Rendant obligatoire la souscription d’une assurance contre l’incapacité de travail pour tous les travailleurs indépendants.
- Inversant la charge légale de la preuve en matière de meilleure rémunération, afin que les travailleurs indépendants gagnant moins de 30-35 euros de l’heure soient présumés être des travailleurs salariés, et qu’il incombe à l’employeur d’apporter la preuve du contraire devant le tribunal.
4. À plus long terme, la mise en place d’une nouvelle infrastructure politique « d’emploi à emploi » qui serait plus apte à mieux répondre aux demandes du marché du travail, à soutenir les personnes dans la transition vers de nouveaux emplois et à améliorer l’accès à des carrières stables. Le SER a identifié deux piliers dans cette nouvelle infrastructure politique :
- Promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie de manière structurelle, notamment en incitant les partenaires sociaux à dresser régulièrement un état des lieux des besoins en compétences du marché.
- Développer des services du marché du travail qui aident les travailleurs à trouver un nouvel emploi.
Les partenaires sociaux néerlandais ont annoncé qu’ils étaient prêts à soutenir et à aider à la construction de cette nouvelle infrastructure politique « d’emploi à emploi ».
Un nouveau gouvernement aux Pays-Bas est entré en fonction en janvier 2022. Un accord de coalition a fait référence à la déclaration d’opinion du SER et s’est engagé à la mettre en œuvre.
En juin 2022, la Labour Foundation (Fondation pour le travail), une institution consultative bipartite de dialogue social composée d’organisations d’employeurs et de travailleurs au niveau national, a discuté d’un projet de document politique fourni par le gouvernement, qui exposait les principes directeurs pour mettre en œuvre les propositions politiques du SER. Par ailleurs, les partenaires sociaux ont indiqué leur évaluation positive des propositions du gouvernement. L’étape suivante est une discussion au niveau du Conseil des ministres néerlandais, suivie d’une communication au Parlement dans le but de lancer officiellement le processus de réforme du travail.
Principaux enseignements
Ce cas de bonne pratique témoigne du rôle que les partenaires sociaux peuvent jouer pour informer et signaler aux décideurs politiques les défis à relever d’urgence. Elle souligne également la capacité des partenaires sociaux à utiliser la connaissance approfondie qu’ils ont des conditions de travail et des besoins des entreprises pour concevoir des propositions de politiques qui soient justes et équilibrées.
Lire le rapport complet
Téléchargez le Global Deal Flagship Report 2022 pour consulter la version complète de cette étude de cas, ainsi que 12 autres portant sur le travail effectué par les partenaires du Global Deal et les engagements volontaires pris pour promouvoir le dialogue social visant à relever les défis du marché mondial du travail.